Par un arrêt du 4 décembre 2024 (n° 23-16962), la Cour de Cassation rappelle sans la moindre ambigüité que le mandant qui poursuit l’exécution du contrat d’agence commerciale malgré la commission d’une prétendue faute grave par l’agent commercial se prive de la possibilité d’invoquer cette dernière en tant que faute grave privative d’indemnités au sens de l’article L134-13-1 du Code de Commerce.
Cette décision est conforme à la jurisprudence traditionnelle de la Cour de Cassation qui considère depuis des années que la tolérance du mandant prive les circonstances reprochées à l’agent commercial de tout caractère de gravité. En effet, la faute grave se définit comme celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d’intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel. Pour être privative d’indemnités au sens de l’article L134-13-1 du Code de Commerce, la faute grave doit donc rendre immédiatement impossible la poursuite du contrat. Dans ces conditions, le mandant qui souhaite reprocher à son agent commercial une faute grave doit le faire rapidement à compter du moment où il a eu connaissance des faits fautifs, sans quoi les juges considèreront qu’il a accepté la situation. C’est ainsi que des agissements de l’agent commercial connus de longue date par le mandant, et tolérés par lui, ne peuvent ensuite être allégués à l’appui d’une faute grave privative d’indemnité (Cass. Com. 26 septembre 2018, n° 17-17743 ; 12 février 2013, n° 12-12371 ; 8 décembre 2009, n° 08-17749 ; CA Paris Chambre 5- Pôle 5 27 juin 2024, n° 21/08892).
Dans cette affaire, la faute commise par l’agent commercial, trois ans avant la fin du contrat, avait été estimée privative d’indemnités par la Cour d’appel de Versailles aux termes de son arrêt du 25 mai 2023. Inéluctablement, cette décision est cassée par la Cour de Cassation qui relève que : « En statuant ainsi, en retenant que la rupture du contrat d’agence avait été provoquée le 18 avril 2018 par la faute grave de la société 3F, alors qu’elle constatait, d’une part, que la société ALTONA avait, par lettre du 19 janvier 2019, déclaré vouloir la poursuite du contrat, ce dont il se déduisait qu’à la date du 18 avril 2018, la faute reprochée à la société 3F, ne présentait pas les caractères de la faute grave, d’autre part, que la relation contractuelle s’était poursuivie fusse de façon résiduelle, jusqu’en août 2021, la Cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés… ».