L’arrêt de la Cour d’appel de Rennes du 14 janvier 2025 (n° 23/05943) et un exemple intéressant d’application par les juges du fonds du principe de tolérance à la faute grave de l’agent commercial découlant de l’absence d’envoi de rapports d’activité.
Si en application des articles L134-3 et R134-1 du Code de Commerce pèse sur l’agent commercial l’obligation de communiquer au mandant toutes les informations nécessaires à l’exécution du contrat, il n’est pas possible de constituer en faute l’agent commercial du simple fait d’absence d’envoi de rapports d’activité. En effet, en sa qualité de professionnel indépendant, l’agent est totalement libre de l’organisation de son entreprise et donc de sa prospection. A ce titre, il est seul juge des informations et de la fréquence avec lequel il doit les transmettre à son mandant.
Le mandant ne peut donc légitimement reprocher à l’agent commercial d’avoir violé son devoir d’information, sans l’avoir mis préalablement en demeure de l’exécuter ou de lui communiquer les informations qui lui manquent pour exécuter le contrat. C’est ainsi que les juges du fond estiment qu’il n’y a pas faute grave lorsque le mandant « …qui se plaint d’un défaut d’information ne justifie d’aucune demande à ce titre… » (CA Aix-en-Provence 10 septembre 2009, n° 2009/336) ou bien « …alors que le mandat a duré sept ans, elle n’excipe d’aucun courrier et encore moins de mise en demeure à son agent commercial faisant cas d’un grief quelconque… » (Aix-en-Provence 27 novembre 2008, n° 2008/423) ou « …n’articule pas de situations précises dans lesquelles l’absence d’information commerciale de la part de son mandataire ou une demande de renseignement non satisfaite a été préjudiciable à la bonne marche de l’entreprise ou la cause directe d’une perte de marché… » (Aix-en-Provence 14 septembre 2006, arrêt n° 2006/420). C’est le cas également lorsque les contacts entre l’agent commercial et son mandant sont quasi-quotidiens (Rouen 30 mars 2023, RG n° 22/00228). Naturellement, ces principes s’appliquent même lorsque le contrat met à la charge de l’agent commercial l’envoi régulier de rapports d’activité (Caen 9 mai 2019, RG n° 17/02305).
Il est en outre de principe que la tolérance du mandant prive les circonstances reprochées à l’agent commercial de tout caractère de gravité et n’est donc pas constitutive d’une faute grave au sens de l’article L134-13-1 du Code de Commerce (Cass. Com. 4 décembre 2024, n° 23-16962 ; 26 septembre 2018, n° 17-17743 ; 12 février 2013, n° 12-12371 ; etc.).
Dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour d’appel de Rennes du 14 janvier 2025, les juges font application de la tolérance du mandant et de la liberté d’organisation de l’agent commercial pour considérer que le défaut d’envoi régulier de rapports d’activité, alors que cette obligation est mise contractuellement à la charge de l’agent, n’est pas constitutive d’une faute grave de ce dernier en l’absence de reproche du mandant pendant plus d’un an. Les attendus de la Cour ne souffrent aucune critique : « La société Clara reproche aussi à son agent commercial de ne pas avoir respecté son obligation d’information prévu à l’article 5 du contrat par la transmission de rapports trimestriels.
La société Clara ne verse aucune demande en ce sens à la société Dissani avant le 8 février 2022. Elle ne le fait qu’un an après la formalisation contractuelle de leurs obligations respectives. Cette posture établit la tolérance du mandant à ce titre alors que le rapport devait être déposé tous les trimestres.
Le ton des échanges au moment des visio conférences de 2021 démontre au surplus que les relations d’affaires entre les parties étaient cordiales.
La société Clara n’établit donc pas la faute grave de la société Dissani dans l’exécution de son mandat… ».