LE POUVOIR DE NÉGOCIATION DE L’AGENT COMMERCIAL

Comme le précise le texte de l’article L134-1 du Code de Commerce, qui définit l’agent commercial, le pouvoir de négocier est un trait fondamental de son statut juridique « L’agent commercial est un mandataire qui… est chargé de façon permanente, de négocier et éventuellement de conclure des contrats de ventes,… au nom et pour le compte de producteurs, industriels… ».Mais à l’occasion de litiges opposant des mandataires à des sociétés de téléphonie mobile, la Cour de Cassation, depuis 2008, a malheureusement adopté une définition réductrice et erronée du pouvoir de négociations en estimant qu’il résidait uniquement dans le pouvoir de faire varier les tarifs ou les conditions de ventes du mandant (Cass. Com. 8 avril 2014, n° 12-22246 ; 27 octobre 2009, n° 08-2009 ; 20 mai 2008, n° 07-13488 ; 15 janvier 2008, n° 06-14698).

Non seulement cette définition du pouvoir de négociation est exagérément restrictive, mais elle ne reflète pas la réalité des usages et des pratiques professionnelles. En effet, la mission première de l’agent commercial, découlant du caractère d’intérêt commun de son mandat, est la constitution en commun d’une part de marché dont l’exploitation profitera à l’agent et au mandant. La définition de la négociation doit donc englober tous les actes de l’agent commercial propres à la recherche et à la fidélisation de la clientèle et ne se réduit donc pas à de simples discussions tarifaires avec les clients.

En outre, il est très rare qu’un agent commercial puisse, de sa propre autorité, négocier les prix de son mandant puisqu’il doit généralement respecter ses conditions de ventes ou de prestations.

La détermination de la politique tarifaire et des conditions de paiement ressort des prérogatives appartenant exclusivement au mandant que l’agent a l’obligation de respecter, sans pour autant être privé du statut d’agent commercial (CA AIX-EN-PROVENCE 5 septembre 2012 VAISSIE/ LECICO FRANCE, arrêt n° 2012/324 ; 27 novembre 2008 THOREL/PAPETERIES DU RHIN, arrêt n° 2008/423 ; 13 février 2002 ANGLES/EDITIONS QUO VADIS, arrêt n° 88/2002).L’interdiction faite à l’agent commercial de modifier l’offre du mandant ne l’empêche donc pas d’avoir un rôle causal et déterminant dans les ventes.

C’est ce qu’ont bien compris nombre de Cours et Tribunaux en refusant d’appliquer la définition restrictive du pouvoir de négocier, qui aboutissait en fait à priver un grand nombre de mandataires du statut juridique d’agent commercial. Ces juridictions sont principalement les Cour d’appel de PARIS, RENNES et AIX-EN-PROVENCE.

La Cour de Cassation a donc été amenée à définir plus largement la notion de négociations. C’est ainsi que dans un arrêt du 3 avril 2012, (n° 11-13527) la Chambre Commerciale a estimé que la conduite par l’agent commercial de réunions de négociations de prix avec les clients et la proposition de vente de prestations dans le cadre d’un mandat suffisait à caractériser le statut d’agent commercial. Elle a encore élargi la définition de la négociation dans un arrêt du 9 décembre 2014 (pourvoi n° 13-22476) en décidant qu’elle pouvait résider dans une « …marge de manœuvre sur une partie au moins de l’opération économique ».

Ces décisions ont cependant été contredites par un arrêt du 20 janvier 2015 (pourvoi n° 13-24231) revenant à la définition stricte et restrictive de la capacité de l’agent à faire varier le prix.

Mais dans une décision très récente du 15 mars 2017 (pourvoi n° 15-18434) la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation semble revenir à une définition très large du pouvoir de négociations qui englobe tous les actes préparatoires à la réalisation de ventes, à savoir : organisation d’entretiens avec les acheteurs, propositions d’implantations dans les magasins, visites des magasins, formulation d’offres commerciales, propositions de catalogues, de délais de livraison, de volumes et de prix.

On ne peut qu’espérer que cette définition large du pouvoir de négociations soit confirmée par d’autres décisions de la Cour de Cassation.

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