La décision rendue par la Cour d’appel de Paris le 27 juin 2024 (Chambre 5-5, n° 21/08892) est une nouvelle illustration des effets de la tolérance du mandant en matière de faute grave reprochée à l’agent commercial.
On le sait, la faute grave se définit classiquement comme celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d’intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel. Pour être privative d’indemnité au sens des dispositions de l’article L134-13-1 du Code de Commerce, la faute grave doit donc rendre immédiatement impossible la poursuite du contrat. En conséquence, le mandant qui veut imputer à son agent commercial une faute grave doit la lui reprocher rapidement, à compter du moment où il en a eu connaissance, sans quoi les juges considèreront qu’il a accepté la situation. Ainsi, des agissements connus de longue date par le mandant et tolérés par lui, ne peuvent être légitimement allégués ensuite par ce dernier à l’appui d’une prétendue faute grave privative d’indemnité (Cass. Com 26 septembre 2018, n° 17-17743 ; 12 février 2013, n° 12-12371 ; 8 décembre 2009, n° 08-17749 ; etc.).
Dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt du 27 juin 2024, le mandant alléguait, à titre de faute grave, divers événements qui avaient émaillé la collaboration des parties au cours des 5 dernières années précédant la cessation des relations contractuelles, sans qu’il ne prenne l’initiative de la rupture du mandat d’agence commerciale. Dès lors, faisant application de la jurisprudence habituelle, la Cour a estimé qu’ils ne pouvaient être constitutifs d’une faute grave en relevant que « …les incidents qui se sont déroulés en 2015 avec la société Lisse Eclair et en 2016 avec une employée de la société Saccarta à propos de la société Vicat n’ont pas fait obstacle à la poursuite du mandat et ne peuvent donc caractériser des fautes graves ayant entraîné la rupture des relations en 2019 et justifiant la privation d’indemnité de rupture pour la société Europack Holding… La société Saccarta ayant maintenu ses relations avec la société Europack Holding postérieurement à 2015 alors qu’un client s’était plaint par écrit de l’attitude de M. [F] et ne souhaitait plus travailler avec lui, les quelques échanges inappropriés de M. [F] envers son mandant en 2018 et 2019, s’il justifiait qu’il soit mis fin au mandat, ne sont pas suffisamment graves ou répétés pour priver la société Europack Holding de tout droit à indemnisation de rupture… ».
Pour être constitutif d’une faute grave privative d’indemnité, les faits fautifs doivent donc être immédiatement reprochés à l’agent commercial et donner lieu à la rupture des relations contractuelles.