AGENCE COMMERCIALE OU APPORTEUR D’AFFAIRES


Il arrive parfois que des sociétés mandantes cherchent à échapper aux obligations découlant du statut juridique d’agent commercial de leurs mandataires par le biais de la signature de contrats d’apporteur d’affaires. Mais cette tentative de soustraction au statut protecteur de l’agence commerciale est totalement vaine lorsque le mandataire exerce, en réalité, les fonctions d’agent commercial. L’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 12 janvier 2023 (Pôle 5 Chambre 5, RG n° 20/07491) énumère les éléments caractéristiques qui permettent aux juges du fond de restituer à la convention des parties son exacte qualification.

Il est de principe en effet que les juges ne sont pas tenus de la qualification juridique que les parties au contrat ont donné à leur relation contractuelle. Depuis des années la Cour de Cassation considère que le statut d’agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu’elles ont donné à leur convention, mais des conditions dans lesquelles l’activité est effectivement exercée (Cass. Com. 17 mai 2023, n° 21-533 ; 19 octobre 2022, n° 21-21378 ; 2 décembre 2020, n° 18-231 ; 27 septembre 2017, n° 16-11507 ; 17 février 2009, n° 07-21058 ; 20 mai 2008, n° 07-12234 ; etc.). Dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 12 janvier 2023, le mandataire revendiquait la qualité d’agent commercial ce qui obligeait les juges à vérifier si les fonctions effectivement exercées correspondaient à la définition de ce statut juridique. Dans un premier temps, les juges d’appel ont parfaitement résumé la définition juridique de l’agent commercial qui « …est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de service, est chargé de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de ventes, d’achats, de locations ou de prestations de services, au nom et pour le compte de producteurs,d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux »qui « …agit au nom et pour le compte de son mandant, il est un mandataire d’intérêt commun ».

Dans un second temps, les juges ont ensuite vérifié si les fonctions réellement exercées par le mandataire correspondaient à la définition précitée et ont été amenés à statuer par l’affirmative dans la mesure où « l’indépendance du mandataire dans l’exercice de sa mission qui consistait, de manière permanente, à rechercher des clients pour commercialiser les produits mis au point par le mandant, la possibilité de négocier les prix de vente des produits même en l’absence de signature des contrats, l’attribution du secteur géographique, le paiement à la commission, démontrent l’existence d’un contrat d’agence commerciale ». Cette analyse doit être pleinement approuvée puisqu’elle fait application des critères distinctifs de l’agence commerciale.

En outre, cette décision a également le mérite d’appliquer la nouvelle définition jurisprudentielle de l’agent commercial par la Cour de Cassation qui a été amenée à considérer que la conclusion de vente ou de commande par l’agent commercial n’est pas une condition de reconnaissance de son statut juridique (Cass. Com. 7 septembre 2022, n° 18-15964 ; 16 juin 2021, n° 19-21585 ; 12 mai 2021, n° 19-17042). En l’espèce, et comme c’est souvent le cas en raison de la technicité de certains produits, l’agent ne réalisait pas directement les devis qui étaient faits par la société mandante, mais réunissait toutes les informations nécessaires en vue de leur établissement. La Cour d’appel de Paris considère à juste titre que cette circonstance est totalement indifférente à la reconnaissance du statut d’agent commercial puisqu’elle relève que : « …le fait que la société Consult Plus établisse des devis et doit pour ce faire examiner la faisabilité de la mise place du produit commercialisé par la société Afapak résulte de la technicité du matériel qui doit être adapté au lieu dans lequel il sera installé. Pour autant, le mandataire ne modifie pas le produit commercialisé. Cet élément entre dans la mission de négociation en ce que le mandataire propose un produit et étudie sa faisabilité afin que l’offre du mandant reçoive une acceptation du client. Il n’est pas indispensable que l’agent commercial conclue lui même les contrats qu’il est chargé de négocier… ».

Cette appréciation mérite également une pleine approbation.

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