L’arrêt de la Cour d’appel de Bourges du 16 février 2023 (n° 22/00002) rappelle les principes applicables en matière de modification unilatérale par le commettant de l’objet du mandat confié à l’agent commercial.
La force obligatoire du contrat interdit en principe au mandant de modifier, sans le consentement de l’agent commercial, la clientèle qui lui a été confiée (Ca Aix-en-Provence 31 mars 2005 Châteaux en Bordeaux/Geoffroy, arrêt n° 2005/2020) ou bien le secteur géographique qui lui a été attribué (Tribunal de Commerce de Marseille 3 juin 2014 Rey/SMH Equipement, RG n° 2013/00452). Si le mandant passe outre le refus de l’agent d’accepter les modifications voulues par le mandant, la jurisprudence considère alors que ce dernier se rend coupable de la rupture des relations contractuelles et doit en indemniser l’agent commercial.
Dans cette affaire et alors que l’agent commercial était chargé par sa mandante de diffuser en Chine ses différentes gammes de vins, cette dernière, au prétexte des résultats mitigés d’implantation commerciale en Asie, avait décidé brutalement et unilatéralement de confier l’organisation de la distribution de ses produits à un bureau de représentation basé en Asie. Ainsi, elle retirait à son agent les territoires des différents pays d’Asie qui lui avaient été confiés en ne lui laissant que la gestion des clients existants et à condition que ces derniers veuillent bien poursuivre leurs relations commerciales.
Conformément à la jurisprudence applicable en pareille circonstance, la cour considère que la situation relève d’une modification unilatérale du territoire confié à l’agent commercial et approuve les juges du Tribunal de Commerce de Bourges d’avoir constaté que la situation caractérisait « …une modification du périmètre géographique du mandat exclusif confié à la société intimée ».
La Cour d’appel de Bourges estime également que cette modification unilatérale du territoire de l’agent commercial est une faute contractuelle d’une telle gravité qu’elle justifie, à elle seule, la rupture du mandat d’agence commerciale aux torts exclusifs du mandant : « …de ce seul chef, la Cour doit tirer comme conséquence que la rupture du contrat d’agent commercial est entièrement imputable au mandant qui annonçait mettre en place une structure nouvelle en concurrence directe avec le mandataire et faisait ainsi échec à l’exclusivité concédée et à la prospection sur ses zones géographiques… ». La société mandante est ainsi condamnée en application des articles L134-11 et L134-12 du Code de Commerce à régler à l’agent commercial une indemnité compensatrice de préavis inexécuté ainsi que l’indemnité légale de cessation de mandat.