La période d’essai est quasi-systématique dans les contrats de travail afin de permettre aux salariés et à l’employeur de s’assurer de leur capacité à travailler ensemble en leur permettant, pendant sa durée, de rompre la collaboration à tout moment, sans formalisme ni indemnisation. Ces usages du salariat ont fini par déteindre sur l’agence commerciale puisque la clause de période d’essai se rencontrait de plus en plus couramment dans les mandats d’agence commerciale. En détournant la période d’essai de sa finalité, certaines entreprises mandantes ont cru pouvoir l’utiliser pour échapper aux obligations d’indemnisation de fin de contrat prévues par les articles L134-11 et L134-12 du Code de Commerce (indemnité compensatrice de préavis inexécuté et indemnité de cessation de mandat).
Ces dispositions étant d’ordre public en application de l’article L134-16 du Code de Commerce, les juges ont donc été amenés à se prononcer sur la validité même de la clause de période d’essai dans les contrats d’agent commercial.
Les solutions dégagées par la jurisprudence constituaient un compromis entre la liberté contractuelle et le statut d’ordre public de l’agent commercial. En fait, il fallait distinguer selon les effets que les parties au contrat avaient souhaité attacher à la période d’essai :
– si la rédaction de la clause retardait jusqu’à l’expiration de la durée de l’essai la formation du contrat, et donc la reconnaissance de la qualité d’agent commercial au cocontractant, la Cour de Cassation en reconnaissait la validité en estimant que « …le statut des agents commerciaux, qui suppose pour son application que la convention soit définitivement conclue, n’interdit pas une période d’essai » (Cass. Com. 23 juin 2015, n° 14-17894 ; 17 juin 2001, n° 97-17539) ;
– si, en revanche, la rédaction de la clause ne retardait pas la prise d’effet du contrat ni la reconnaissance de la qualité d’agent commercial au cocontractant, elle devait être réputée non-écrite si elle aboutissait à priver l’agent commercial des indemnités ci-avant évoquées (CA Lyon 21 mai 2015 F2j.com/Sud Est 86, n° 13/09651 ; Paris 11 mars 1993 Dalmasso/Mecanauto n° 10-16975).
Mais cette jurisprudence est désormais périmée, puisque la CJUE, saisie sur renvoi préjudiciel par la Cour de Cassation, a rendu un arrêt le 19 avril 2018 (n° C-645/16) estimant que toute interprétation de l’article 17 de la Directive 86/653 pouvant s’avérer être au détriment de l’agent commercial était exclue et que par conséquent, l’interprétation selon laquelle aucune indemnité n’est due en cas de rupture du contrat d’agent commercial pendant la période d’essai n’est pas compatible avec le caractère impératif du régime instauré par ledit article.
En conséquence, l’article 17 de la directive 86/653 doit être interprété en ce sens que les régimes d’indemnisation et de réparation que cet article prévoit… en cas de cessation du contrat d’agence commerciale, sont applicables lorsque cette cessation intervient au cours de la période d’essai que ce contrat stipule.
Puisque la période d’essai n’a aucune influence sur l’indemnisation de l’agent, elle va sans doute disparaître des contrats. Elle devient complètement inutile en raison de la grande facilité de résiliation du contrat d’agence commerciale qui est le plus souvent conclu pour une durée indéterminée et qui peut donc être rompu à tout moment, moyennant le respect d’un préavis.