L’INAPTITUDE PHYSIQUE DE L’AGENT COMMERCIAL

L’INAPTITUDE PHYSIQUE DE L’AGENT COMMERCIAL

L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Dijon le 5 septembre 2024 (n° 21/01471) est un bon rappel des précautions qui doivent être prises par l’agent commercial lorsqu’il est amené à cesser son activité en raison de son inaptitude physique liée à l’âge.

On ne le rappelle jamais assez, la décision de faire valoir ses droits à la retraite de l’agent commercial est sans aucune influence sur l’obligation qui lui est faite de poursuivre l’exécution de ses mandats et toute annonce de cessation d’activité, pour le seul motif de retraite, pourrait être interprétée par les mandants en une démission de l’agent commercial, privative d’indemnité en application de l’article L134-13-2 du Code de Commerce. En fait, en application de ce même texte, seul l’âge ou l’inaptitude physique de l’agent commercial, impactant notablement l’exécution de son mandat, sont susceptibles d’entraîner la cessation des relations contractuelles avec obligation faite au mandant de lui verser l’indemnité de cessation de mandat.

Il est à noter que l’âge, l’infirmité ou la maladie de l’agent commercial ne sont pas suffisants, à eux seuls, pour justifier la cessation avec indemnité du mandat d’agence commerciale. Ils doivent ne plus lui permettre de continuer raisonnablement son activité (Cass. Com. 23 juin 2015, n° 14-14856 ; 26 juin 2013, n° 12-30162 ; 29 novembre 2011, n° 10-26759 : 8 février 2011, n° 10-12876). L’âge, l’infirmité ou la maladie doivent donc être accompagnés de circonstances particulières à la situation personnelle de l’agent, susceptibles de l’empêcher de poursuivre son activité. Les juges, dans chaque espèce, doivent donc apprécier l’impact de l’âge ou de l’état de santé sur l’accomplissement des tâches de l’agent et les sujétions auxquelles il est exposé, qui varient considérablement en fonction des domaines d’activité.

C’est ce qu’ont fait les juges de la Cour d’appel de Dijon dans leur décision du 5 septembre 2024 en analysant, avec un pragmatisme particulièrement approprié, les circonstances du litige. Tout d’abord, ils ont à juste titre écarté la notion de démission, en relevant que le premier courrier de l’agent commercial évoquant un départ à la retraite avait été suivi d’un second, mettant clairement en évidence son état de santé lié à l’âge, l’obligeant à cesser son

activité : « Il sera d’abord rappelé que M. [W], dans son courrier du 30 septembre 2018 se référant à son départ à la retraite, a fait part de son intention de cesser définitivement son activité d’agent commercial à compter du 31 décembre 2018, après avoir rappelé son âge (68 ans). Il a ultérieurement indiqué dans une correspondance du 5 octobre 2018, qu’il entendait faire valoir ses droits à indemnité compensatrice en faisant état de ce qu’il considérait être des manquements contractuels de la société Variation à son égard, mais également de son âge et de son état de santé ne lui permettant plus de poursuivre son activité, laquelle impliquait un investissement quotidien et un travail de prospection en voiture sur quatre départements ».

Ensuite, et en droite file de la jurisprudence précitée de la Cour de Cassation, la Cour d’appel s’est attachée à vérifier que l’état de santé de l’agent ne lui permettait plus d’accomplir raisonnablement les tâches découlant de sa mission de représentation. Ils sont ainsi amenés à relever que : « … M. [W] présentait à ses prospects ses échantillons et son fauteuil de démonstration installés dans son véhicule utilitaire, mais qu’il pouvait également être amené, si nécessaire, à transporter ledit fauteuil, d’un poids de l’ordre de 40 Kg jusqu’au domicile de certaines personnes âgées.

L’appelant justifie également, en versant au débat ses déclarations fiscales, de l’importance des trajets professionnels qu’il était amené à effectuer pour démarcher ses prospects, l’amenant à conduire près de 200 Km par jour travaillé.

Or M. [W] produit un certificat médical établi le 15 novembre 2018 par le Docteur [G], relevant qu’il présente des problèmes de colonne vertébrale qui contre-indiquent le port de charges lourdes et les longs parcours automobiles… Il résulte ainsi des pièces médicales produites que l’état de santé de M. [W] au 30 septembre 2018, ainsi que le fait qu’il avait largement dépassé à cette date l’âge légal de départ à la retraite, ne permettait plus d’exiger raisonnablement de lui la poursuite de son activité, laquelle pouvait nécessiter le port de charges lourdes et impliquait l’accomplissement habituel de longs trajets automobiles… ». Après avoir ainsi caractérisé le rapport de cause à effet entre l’état de santé et l’impossibilité de poursuivre sa mission d’agence commerciale, la Cour d’appel considère qu’en application de l’article L134-13-2 du Code de Commerce, l’agent est en droit de prétendre au règlement de l’indemnité légale de cessation de mandat prévue par l’article L134-12 du Code de Commerce

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