LES PROPOS HOMOPHOBES ET RACISTES DE L’AGENT COMMERCIAL

LES PROPOS HOMOPHOBES ET RACISTES DE L'AGENT COMMERCIAL

L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Montpellier le 7 février 2023 (n° 21/01658) en matière de propos homophobes et racistes est une intéressante illustration de la liberté de parole dont jouit l’agent commercial à l’égard de son mandant.

En sa qualité de professionnel indépendant, l’agent commercial dispose d’une évidente liberté d’expression mais qui a pour limite son obligation de loyauté envers son mandant : il doit donc s’abstenir de quelque comportement que ce soit qui puisse nuire à l’image publique du mandant et à la part de marché exploitée en commun. C’est pourquoi afin d’apprécier l’existence d’un comportement fautif de l’agent, la jurisprudence tient compte du caractère privé ou professionnel de ses propos et de leur éventuelle diffusion au personnel de l’entreprise mandante ou aux acteurs de la part de marché traitée dans le cadre du contrat d’agence.

C’est ainsi que n’est pas fautive la diffamation commise par l’agent commercial à l’égard du mandant si elle ressort d’un litige privé qui n’intéressait en rien le fonctionnement de l’entreprise mandante (Cass. Com. 9 décembre 1980 Gaz. Pal. 1981 I Panorama, page 113). C’est le cas également de propos « véhéments » tenus par l’agent lors d’une réunion commerciale au siège de l’entreprise mandante, qui n’avait aucun caractère professionnel (Tribunal de Commerce de Toulon 28 octobre 2004 Saba/Laboratoire Nutrition ProteinCorporation, n° 2004/718). En revanche, une télécopie caricaturant le mandant adressée par l’agent à ses services commerciaux justifie une rupture aux torts partagés des parties, en excluant l’indemnisation de l’agent commercial (Cass. Com. 30 mai 2007, n° 05-12030 cassant l’arrêt de la Cour d’appel de Lyon du 16 septembre 2004, EDP/Thor SA). Il en va de même de propos excessifs et incohérents liés à un état de « burn out » tenus par l’agent commercial en présence des clients et qui lui rendent imputable la cessation de son mandat d’agence commerciale (CA Aix-en-Provence 13 septembre 2010 Fohrer/Protecmo, arrêt n° 317).

Dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt du 7 février 2023, l’agent commercial avait écrit au mandant notamment « …va te faire foutre sale musulman [] à jamais enculé ». La Cour a estimé que ces propos n’étaient pas constitutifs d’une faute grave privative d’indemnité au sens de l’article L134-13-1 du Code de Commerce car il ressortait d’un litige privé avec le mandant et était sans rapport avec l’exécution du mandat d’agence commerciale. Ce faisant, l’analyse des juges de la Cour d’appel de Montpellier s’inscrit en droite ligne de la jurisprudence ci-avant rappelée avec cette réserve que : « …pour autant que les propos tenus par M. [M] sont parfaitement répréhensibles et pénalement condamnables, ils ne sauraient cependant être regardés dans ce contexte comme constitutifs d’une faute grave au regard des textes précités ».

Cette appréciation mérite une pleine approbation puisqu’à l’inverse des limitations à la liberté d’expression que connaît notre société civile, la parole demeure libre entre chefs d’entreprises dans leurs rapports d’affaires !

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