L’arrêt rendu par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence le 2 avril 2025 (n° 20/06003) montre les réticences qu’ont les juges du fond à accueillir des reproches qui n’ont jamais été faits à l’agent commercial pendant l’exécution du contrat.
Il arrive en effet souvent qu’à l’appui de la faute grave, les mandants allèguent des faits qui n’ont jamais été invoqués avant la rupture des relations contractuelles, alors que leur commission s’est inscrite dans une certaine durée. En pareille circonstance, les juges ont tendance à douter de la véracité des circonstances alléguées en partant du principe que des faits rendant impossible la poursuite du contrat doivent être immédiatement reprochés à l’agent commercial. Ainsi, et par exemple, la Cour d’appel de Caen dans un arrêt du 9 mai 2019 (Glineur/Rey Surgelés, n° 17/2305) considère que le défaut d’envoi de rapport trimestriel par l’agent commercial n’est pas fautif car il n’a jamais suscité la moindre critique de la part du mandant ni de mise en demeure de produire les documents demandés. Le raisonnement est identique de la part de la Cour de Montpellier (15 juin 2004 Baldini/Epsilon, RG n° 03/2185) s’agissant d’une absence de critique concernant une prétendue insuffisance de chiffre d’affaires ou des reproches de menace et de violence formés après l’assignation en paiement par l’agent commercial (25 janvier 2012 Bourtoire/Pastor, n° 10/8015) ou des difficultés relationnelles alléguées par le mandant (Aix-en-Provence 25 janvier 2012 Guarisco Fashion/Melane, n° 2012/26).
Tel était le cas en l’espèce puisque la société mandante avant la rupture des relations contractuelles n’avait jamais adressé le moindre reproche à son agent commercial. En conséquence, et conformément à la jurisprudence habituelle, les juges de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence estiment que les griefs de la société mandante sont invraisemblables en relevant que : « Les factures non-conformes pour ne pas indiquer le n° de TVA, ont été réglées sans observation ni contestation de l’association Adict-Farandole, jusqu’à la survenance du litige et l’octroi de remises qualifiées d’excessives n’a jamais fait l’objet d’aucun échange ni contestation entre les parties depuis 1990.
La déloyauté alléguée consiste pour l’association Adict-Farandole à avoir monnayé des remises très larges pour favoriser le développement de son activité auprès de la cave de Cairanne, mais il n’est produit aucune pièce à l’appui de la demande et l’absence de réponse à une sommation de communiquer ne saurait valoir preuve du manquement reproché.
La faute grave n’est donc pas établie et M. [I][M] doit bénéficier de l’indemnité de rupture… ».
Cette décision mérite une pleine approbation.