Ces éclaircissements jurisprudentiels concernent la forme de la rémunération (I), le mécanisme du droit à commission (II). Le paiement et la vérification des commissions seront abordés dans un article distinct (2/2).
I – LA FORME DE LA REMUNERATION
Dans la très grande majorité des cas, l’agent commercial est rémunéré par une commission dont le montant est proportionnel à celui de la vente qu’il a réalisée, selon la définition qui en est donnée par l’article L134-5 du Code de Commerce. Ce mode de rémunération est grandement privilégié par la pratique car son montant varie avec l’activité déployée par l’agent commercial.
Mais cette disposition du Code de Commerce n’est pas d’ordre public et il est donc parfaitement loisible aux parties de s’accorder sur un mode différent de rémunération.
C’est ainsi que l’agent commercial peut être rémunéré par un fixe ou un forfait (Cass. Com. 23 novembre 1999, n° 97-18695 ; 29 octobre 2002, n° 99-18796 ; 2 novembre 2011, n° 09-69943 ; 29 septembre 2009, n° 08-18361 ; 8 octobre 2013, n° 12-26544). De même, plutôt que de convenir d’une commission proportionnelle au montant de la vente, la rémunération de l’agent commercial peut être constituée de la marge bénéficiaire correspondant à la différence entre le tarif indiqué par le mandant et le prix final de vente au client (CA VERSAILLES 1er octobre 2009, RG n° 06/04485 Légifrance. ; CA AGEN 6 mai 2008, RG n° 07-01145 Légifrance ; CA VERSAILLES 29 juin 1997, RG n°1995-1297, Légifrance ; Cass. Com. 9 mai 1990, n° 88-17243).
II – LE DROIT A REMUNERATION
De même, les parties décident librement de la nature des opérations ouvrant droit à commission et des conditions dans lesquelles naît et s’éteint le droit à rémunération.
Mais dans le silence du contrat les dispositions des articles L134-6 à L134-9 du contrat sont supplétives de volonté et viennent donc compléter les prévisions des parties.
A/ Les opérations ouvrant droit à commission :
Elles sont détaillées par les articles L134-6 et L134-7 du Code de Commerce.
– L’article L134-6 du Code de Commerce vise les opérations réalisées par l’agent commercial pendant l’exécution du contrat. Ainsi, a-t-il droit à commission sur les affaires conclues :
• grâce à son intervention ;
• avec un client dont il a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre (CA AIX-EN-PROVENCE 5 septembre 2003, RANE/LEPESANT, n° 441).
En l’absence de stipulation contraire contenue dans le contrat le deuxième alinéa de l’article L134-6 du Code de Commerce ouvre droit à commission au profit de l’agent commercial sur toutes les ventes enregistrées par le mandant avec la clientèle qui lui a été confiée et/ou celle appartenant au secteur géographique qui lui a été attribué !
Autrement dit, indépendamment de la stipulation d’une exclusivité territoriale (Cass. Com. 8 avril 2008, n° 06-21526) l’agent a droit à commission, même sans intervention de sa part, sur la totalité des ventes faites sur son secteur géographique ou avec la clientèle qui lui a été confiée (CJCE, 12 décembre 1996, Dalloz 1997, Jur, page 438 ; Cass. Com. 4 décembre 2007, n° 06-12858 ; CA TOULOUSE 20 janvier 2016 COREPSO/KRANZLE GMBH, arrêt n° 50 ; CA NÎMES 10 janvier 2013 BENITO FRANCE/ DAUVERGNE, arrêt n° 9 ; CA MONTPELLIER 24 janvier 2012 BOURTOIRE/PASTOR, arrêt n° 309 ; 12 avril 2012 ROCHON/TECHNISOL, arrêt n° 197 ; CA LYON 18 mars 2011 EUROTECH/GROS, arrêt n° 10/00781).
– Si le client dispose de plusieurs établissements géographiquement distincts, il faut entendre par « client appartenant au secteur » le lieu de la négociation de la vente ou de la prise de décision (CA AIX-EN-PROVENCE 16 mai 2012, CONFOREL/ MAJAULT, arrêt n° 2012/209 ; CA VERSAILLES 21 janvier 2010, FONTBONNAT/EDENA, arrêt n° 35).
Cela peut être également le lieu des activités commerciales effectives du client, le lieu de la livraison des produits ou le lieu de l’établissement qui a commandé (CJCE 12 décembre 1996, Aff C-104/95 KONTOGEORRGAS).
L’agent commercial a également droit à commission sur les ventes parallèles découlant de la décision du mandant de vendre ses produits à un distributeur qui les diffusera sur le territoire de l’agent à condition que le mandant soit intervenu directement ou indirectement dans les opérations (CJCE 17 janvier 2008, Aff C-19/07 CHEVASSUS-MARCHE /DANONE, Cass. Com. 1er juillet 2008, pourvoi n° 03-12724).
– L’article L134-7 traite des opérations qui se concrétisent après la cessation du mandat.
L’agent commercial a droit à rémunération :
• soit lorsque la vente est principalement due à son activité au cours du contrat et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du mandat ;
• soit lorsque la commande du client a été reçue par le mandant ou par l’agent avant la cessation du contrat.
La loi ne précise pas la durée du délai raisonnable. Généralement, il faut se référer à la durée moyenne de concrétisation d’une affaire entre la sollicitation du client par l’agent et la concrétisation de la commande.
– Les parties peuvent également convenir que l’agent commercial qui exécute pour le mandant des prestations distinctes de celles qui constituent l’objet principal du mandat, percevra des rémunérations complémentaires.
La fourniture par l’agent commercial de prestations accessoires à ses fonctions commerciales est connue de longue date par les usages professionnels et la jurisprudence. Cette dernière considère que la commission qui rémunère une obligation accessoire mais indispensable à l’exécution du mandat doit être intégrée dans l’assiette de calcul de l’indemnité de cessation de mandat prévue par l’article L134-12 du Code de Commerce.
C’est le cas d’indemnités d’entreposage ou de livraison lorsque l’agent commercial stocke et livre les clients du mandant (Cass. Com. 1er décembre 1981, n° 80-14162 ; CA RENNES 1er avril 1998, Dictionnaire Permanent de Droit des Affaires, Bull 480 page 9611) ou lorsque l’agent intervient en qualité de dépositaire et de grossiste du mandant (CA BORDEAUX 11 mai 1991, Les Annonces de la Seine n° 39, 1994).
B/ Le fait générateur de la commission :
Le plus souvent mandants et agents s’accordent facilement sur les évènements qui donnent naissance au droit à commission ou qui provoque son extinction. L’éventail du choix est extrêmement large et, par exemple, l’acquisition du droit à commission peut avoir pour fait générateur la transmission de la commande par l’agent, ou son enregistrement par le mandant, ou la livraison au client, ou le parfait paiement du prix de la vente, etc…
Dans le silence du contrat, le législateur a néanmoins prévu les garde-fous qui suivent.
1) L’acquisition :
En application de l’article L134-9 du Code de Commerce, la commission est acquise à l’agent dès que le mandant a exécuté l’opération ou bien lorsque le client l’a également exécuté. Autrement dit, dans le contrat de vente, le fait générateur de la commission est soit la livraison de la chose promise par le mandant soit le paiement du prix par le client.
Le deuxième alinéa de ce texte protège l’agent commercial au cas où le mandant aurait tardé volontairement ou involontairement à exécuter sa propre part de l’opération. Il dispose que la commission est acquise au plus tard lorsque le client a exécuté sa part de l’opération ou devrait l’avoir exécuté si le mandant avait exécuté sa propre part. Par exemple, le mandant doit régler la commission même s’il a négligé de recouvrer judiciairement le montant du prix de la vente (CA AIX-EN-PROVENCE 7 mars 2003, COFIN/GUSTIN, arrêt n° 127).
2) L’extinction :
Elle est évoquée par l’article L134-10 du Code de Commerce qui dispose que le droit à la commission ne peut s’éteindre que s’il est établi que le contrat entre le client et le mandant ne sera pas exécuté et si l’inexécution n’est pas due à des circonstances imputables au mandant.
La commission est donc éteinte s’il est établi que l’opération ne sera pas exécutée par le client et à condition que le mandant ne soit pas responsable de cette situation.
Mais le droit à commission subsiste en cas de livraison non-conforme par le mandant, de rupture de produit, de retard dans l’exécution de la commande etc… (CA AIX-EN-PROVENCE 11 décembre 2014 TEISSEIRE /CADDIE STRASBOURG, arrêt n° 2014/510 ; CA NÎMES 23 janvier 2014, CAVAS/FOULQUIER, arrêt n° 41).