L’arrêt de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence du 24 Juin 2021 (n°20/10706 ARDUINO / MAISON BONNINI) est un parfait exemple de la possibilité offerte à l’agent commercial d’avoir recours à la procédure de référé pour obtenir le paiement de ses commissions arriérées et / ou la communication sous astreinte des éléments comptables nécessaires à leur vérification ou facturation.
Très souvent, la rémunération de l’agent commercial présente un caractère alimentaire ce qui justifie le recours à la procédure d’urgence qu’est le référé commercial. Ce droit est prévu par l’article 876 al. 2 du Code de Procédure Civile qui dispose que le président du Tribunal de Commerce peut dans tous les cas où l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. Il est à noter que le référé-provision n’est subordonné qu’à l’absence de caractère sérieusement contestable de l’obligation qui fonde la demande, celle d’urgence n’étant pas requise.
Afin de provoquer le dessaisissement du juge des référés, certains mandants, comme dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt du 24 Juin 2021, tentent de contester leur obligation de payer les commissions en faisant état des circonstances ayant entouré la fin des relations contractuelles, tel des manquements reprochés à l’agent lui rendant imputable la rupture du contrat. Mais c’est à juste titre que les juges de la Cour d’Appel d’Aix ont refusé de considérer quelles constituaient une contestation sérieuse de l’obligation faite au mandant de payer la rémunération due à l’agent (article L 134-6 du Code de Commerce) et de l’obligation d’information (article R 134-3 du Code de Commerce).
En effet, il est acquis depuis longtemps que des faits fautifs prétendument privatifs d’indemnité au sens de l’article L 134-13-1 du Code de Commerce ne peuvent être invoqués pour refuser de régler les commissions arriérées de l’agent commercial car les créances de commissions et d’indemnités sont totalement distinctes car reposant sur des obligations indépendantes. La commission rémunère les prestations de service exécutées par l’agent commercial qui ont conduit à la conclusion de l’opération génératrice de rémunération.
L’indemnité répare le préjudice subi par l’agent commercial du fait de la cessation de son mandat. Ces principes avaient déjà été mis en œuvre par la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence dans un arrêt fort élégant du 4 septembre 1998 (BURGUE / QUETEX, arrêt n° 536-98) en rappelant que « … le paiement de commissions est dû nonobstant la résiliation du contrat, et indépendamment des torts pouvant être retenus à la charge de l’une ou l’autre des parties à propos de cette résiliation… ».
Cette jurisprudence est reprise et explicitée dans l’arrêt du 24 Juin 2021. Les juges d’appel considèrent que « … le juge des référés, qui est juge de l’évidence, n’a pas à se prononcer sur des questions juridiques qui relèvent de la compétence du Juge du fond tel que l’imputabilité de la rupture des relations contractuelles… » et que par conséquent « … la société appelante n’est pas fondée, au motif que la rupture du contrat proviendrait d’un comportement fautif de son agent, à lui refuser le paiement des commissions pour des opérations réalisées lorsqu’il agissait dans le cadre de son mandat.
Si les parties sont en désaccord quant à l’imputabilité de la rupture et la date de rupture, le paiement des commissions est dû, nonobstant la résiliation du contrat et indépendamment des torts qui pourront être retenus par le juge du fond à la charge de l’une ou l’autre des parties dans le cadre de cette résiliation… ».
La Cour d’Appel d’Aix-en-Provence est ainsi amenée à confirmer pleinement l’ordonnance de référé rendue par le Tribunal de Commerce de Marseille le 15 Octobre 2020 qui condamnait la société mandante à verser à l’agent commercial une provision sur ses commissions arriérées et à la remise sous astreinte des éléments comptables nécessaires à la vérification et à la facturation de ces commissions.