LE DOUTE ET LA PREUVE DE LA FAUTE GRAVE

LE DOUTE ET LA PREUVE DE LA FAUTE GRAVE

Les principes généraux gouvernant l’administration de la preuve s’appliquent naturellement à celle de la faute grave de l’agent commercial, privative d’indemnité au sens des articles L134-11 et L134-13-1 du Code de Commerce.

La faute grave se définit comme celle « qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d’intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel » (Cass. Com. 15 septembre 2009, n° 08-15613 ; 15 octobre 2002, n° 00-18122). De plus, les obligations de l’agent sont de moyen et non de résultat, et il appartient donc au mandant qui invoque la faute commise par son agent commercial pour être déchargé de l’indemnité légale de cessation de mandat, d’en rapporter la preuve (Cass. Com. 15 octobre 2009, n° 03-11530 ; 22 février 2005, n° 03-12045 ; 14 novembre 1999, n° 88-12453 ; etc.). Le mandant doit donc être en mesure de justifier des griefs qu’il formule à l’encontre de l’agent commercial et qui, selon lui, sont constitutifs de fautes graves privatives d’indemnité. S’il ne satisfait qu’incomplètement à cette obligation et qu’un doute subsiste quant à la matérialité des faits, il doit profiter à l’agent commercial. Il découle en effet de la jurisprudence d’application de l’article 1315 ancien du Code Civil que l’incertitude et le doute subsistant à la suite de la production d’une preuve doivent être nécessairement retenus au détriment de celui qui a la charge de cette preuve (Cass. Soc. 31 janvier 1962 publié au Bulletin ; Cour d’appel St Denis de la Réunion 5 avril 2023, RG n° 21/22582).

Ce principe vient d’être rappelé par la Cour d’appel de Lyon par un arrêt du 11 janvier 2024 (n° 20/01659) dans une affaire où le mandant reprochait à l’agent commercial d’avoir, à son insu, établi des bons de commandes au nom d’une tierce société  afin qu’elle soit livrée à une société en redressement judiciaire. Après avoir constaté que la matérialité de ce reproche n’était qu’incomplètement prouvée, la Cour d’appel de Lyon en tire les conséquences qui s’imposent en estimant « …qu’il persiste une incertitude et un doute quant à l’existence de la faute grave commise par l’agent commercial, il doit être retenu que les moyens de droit et de fait invoqués par la société sont insuffisants pour établir la matérialité des faits qu’elle lui reproche. Ceux-ci servant de fondement au manquement à l’obligation de loyauté qu’elle entend également imputer à l’agent commercial, au regard de l’article L134-4 du Code de Commerce, ce grief n’est, dès lors, et également, pas établi.

Dans ces conditions, outre les motifs des premiers juges, que la Cour adopte, il doit être retenu que la société ne rapporte pas la preuve de ce que l’agent commercial ait commis des faits ayant porté atteinte à la finalité commune du mandat d’intérêt commun et rendu impossible le maintien du lien contractuel… »

Cette décision mérite une pleine approbation.

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