Deux décisions récentes de la chambre commerciale de la Cour de Cassation (17 mai 2023, n° 23-11422) et de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence (2 mars 2023, Farjon/Kane International, n° 2023/34) viennent préciser les conditions auxquelles est soumis le cumul par l’agent commercial d’une activité salariée.
On le sait, en application des principes d’indépendance de liberté d’organisation, les agents commerciaux peuvent, parallèlement, exercer d’autres professions ce qui a été consacré par un arrêt de l’assemblée plénière de la Cour de Cassation du 24 mai 1969 (n° 65-13808) pour un emploi de VRP.
Puisque rien n’interdit donc à l’agent d’être simultanément salarié, nombre d’entre eux cumulent les deux statuts ce qui, généralement, ne pose aucune difficulté pratique du moment que l’agent respecte son devoir de loyauté envers ses mandants et que l’activité salariale demeure compatible avec l’exécution de ses mandats. C’est précisément sur la compatibilité entre les deux activités que les deux décisions précitées ont été rendues.
Dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 2 mars 2023, la société mandante avait décidé de se séparer de la totalité de sa force de vente et l’agent commercial, pour des raisons purement alimentaires, n’avait pas attendu de recevoir la lettre de résiliation émanant du mandant pour se faire embaucher en qualité de salarié par une tierce entreprise.
Cependant, les circonstances particulières au litige justifiaient cette décision de l’agent commercial, qui n’a donc pas été considérée comme fautive. Si les juges d’appel ont, par principe, considéré que « …l’embauche en qualité de salarié est de nature à porter atteinte à la finalité commune du mandat et à rendre impossible le maintien du lien contractuel lorsqu’elle se traduit par une incapacité de l’agent commercial à accomplir sa mission essentielle de prospection des clients, de diffusion des produits, ainsi que par une carence dans la couverture des salons et évènements permettant au mandant d’assurer une visibilité commerciale des produits dont l’agent commercial assure la promotion… », ils relèvent ensuite que « …au regard des échanges de mails, ces éléments traduisent une baisse de chiffre des ventes en France, dont les causes peuvent s’expliquer par des facteurs combinés, tant par la conjoncture économique, que par le marché concurrentiel ou encore par le manque de motivation des agents commerciaux dans leur ensemble.
Cependant, ils ne permettent pas d’imputer à M. Pierre Farjon en particulier une inertie manifeste dans ses fonctions, inertie qui aurait trouvé son point d’orgue dans le choix de se faire embaucher en qualité de salarié au sein d’une autre société ».
Dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour de Cassation du 17 mai 2023 (n° 22-11422), les circonstances du litige l’amènent à considérer que l’activité salariale de l’agent commercial est constitutive d’une faute grave privative d’indemnité car elle a fortement contrarié la bonne exécution de son mandat.
Après avoir rappelé à juste titre que « …le fait de ne pas atteindre le chiffre d’affaires espéré par le mandant ne constitue pas en soi une faute grave de l’agent commercial et que statut n’est pas incompatible avec celui de salarié d’une autre entreprise… » la Cour de Cassation approuve les juges de la Cour d’appel de Rennes d’avoir déduit des faits de l’espèce que l’agent commercial « …a négligé son activité de représentation de la société Mondo Déco, provoquant la baisse constatée de son chiffre d’affaires et la privant, du fait de l’exclusivité territoriale qui lui avait été concédée, de toute possibilité de se faire représenter par un autre agent ». Le contrat d’agence commerciale est donc réputé rompu aux torts de l’agent commercial et il est privé de l’indemnité légale de cessation de mandat en application de l’article L134-13-3 du Code de Commerce.
L’agent commercial demeure donc parfaitement libre d’exercer une activité salariée à condition qu’elle n’entrave pas la bonne exécution de ses mandats d’agence commerciale.