L’arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 6 janvier 2022 (Targetti France/LVMT, n° 2022/4) n’est pas seulement une bonne illustration du caractère non-fautif de la baisse du chiffre d’affaires de l’agent commercial mais constitue également une excellente synthèse du régime juridique de la faute grave dans le droit de l’agence commerciale.
Rappelons en effet que les comportements de son mandant sont pris en compte dans l’appréciation des faits reprochés à l’agent commercial, notamment lorsqu’ils sont connus de longue date du mandant ou lorsque ce dernier a manqué à ses propres obligations envers son mandataire.
C’est ainsi que des comportements connus par le mandant et tolérés par lui ne peuvent être légitimement allégués ensuite par ce dernier à l’appui d’une prétendu faute grave (Cass. Com. 26 septembre 2018, n° 17-17743 ; 12 février 2013, n° 12-12371 ; 8 décembre 2009, n° 08-17749). Il en va de même lorsque le mandant manque à ses obligations en contribuant ainsi à la réalisation des faits qu’il érige en faute grave de l’agent commercial. Ainsi, aucune insuffisance d’activité ne peut être valablement reprochée à l’agent lorsque le mandant ne règle pas les commissions ou n’envoient pas la totalité des collections (Cass. Com. 9 février 1971, n° 69-10167) ou quand sa réorganisation ne lui permet plus de répondre aux demandes ou appels des clients (CA Aix-en-Provence 28 décembre 2011 Leclere/HDS, arrêt n° 2011/524) ou lorsqu’il se place dans l’impossibilité de fournir un produit à un client (18 avril 2012 Guy Sorne Export/Cidres du Jardin, arrêt n° 2012/185).
De tels comportements du mandant étaient bien présents dans l’espèce soumise aux juges de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence car la société mandante avait violé l’exclusivité conférée à l’agent commercial en laissant un prescripteur intervenir sur son secteur géographique. En outre, il était avéré que la baisse du chiffre d’affaires en résultant était connue de la société mandante depuis au moins deux ans avant sa décision de rompre le contrat du mandataire.
Ces circonstances sont expressément prises en compte par la Cour qui rejette la faute grave en relevant que : « La société La Vente Moderne et Technique excipe également de la violation de la clause d’exclusivité qui lui avait été consentie en faisant valoir que la société 3 F Filippi Targetti France a laissé la société TBA réaliser des ventes sur son secteur géographique au titre d’une opération dénommée ISPACE pour IPSOS » « […]…au demeurant, cette circonstance, outre qu’elle fonde la condamnation par les premiers juges au paiement des commissions dues à l’agent au titre des commandes passées sur les prescriptions du bureau d’étude TBA, atteste également que partie du chiffre d’affaires n’a pas été intégrée, non pas du fait de la société La Vente Moderne et Technique mais du fait de son mandant ».
Enfin la faute grave est incompatible avec la poursuite du mandat en ce qu’elle rend impossible le maintien du lien contractuel. Or, au cas particulier, le contrat s’est poursuivi jusqu’au 31 janvier 2017 en dépit de sa résiliation notifiée le 10 octobre 2016, étant observé de surcroît que la baisse du chiffre d’affaires, d’ors et déjà actée pour l’année 2015, n’a pas empêché la poursuite du contrat, attestant que si cette circonstance constitue un motif justifiant la rupture du contrat, elle ne caractérise pas pour autant une faute grave privant l’agent commercial de son droit à indemnité par suite de la cessation du contrat ».