Depuis l’arrêt de la CJUE du 19 avril 2018 (n° C-645/16), la stipulation d’une période d’essai dans le contrat d’agence commerciale n’a pas pour effet, si le contrat est rompu pendant la période d’essai, de priver l’agent commercial de l’indemnité légale de cessation de mandat prévue par l’article L124-12 du Code de Commerce. En effet, les dispositions de cet article sont d’ordre public et aucune disposition contractuelle ne peut priver l’agent commercial de l’indemnité légale de cessation de mandat. Ce principe a été affirmé par la chambre commerciale de la Cour de Cassation le 23 janvier 2019 (n° 15-14212).
Il s’agissait d’un important revirement de la jurisprudence, puisqu’avant ces deux arrêts, elle n’était pas aussi tranchée car elle constituait un compromis entre la liberté contractuelle et le statut d’ordre public de l’agent commercial. Tout dépendait en fait des effets que les parties au contrat avaient souhaité attacher à la période d’essai :
- si la rédaction de la clause retardait jusqu’à l’expiration de la durée de l’essai la formation du contrat, et donc la reconnaissance de la qualité d’agence commerciale au cocontractant, la Cour de Cassation en reconnaissait la validité en estimant que « …le statut des agents commerciaux, qui suppose pour son application que la convention soit définitivement conclue, n’interdit pas une période d’essai » (Cass. Com. 23 juin 2015, n° 14-17894 ; 17 juin 2001, n° 97-17539) :
- si, en revanche, la clause ne retardait pas la prise d’effet du contrat ni la reconnaissance de la qualité d’agent commercial au cocontractant, elle devait être réputée non-écrite si elle aboutissait à priver l’agent commercial des indemnités de cessation de mandat (CA Lyon 21 mai 2015 F2J.com/Sud Est 86, n° 13/09651 ; Paris 11 mars 1993 Dalmasso/Mecanauto, n° 10/16975).
La motivation des arrêts de la CJUE du 19 avril 2018 et de la chambre commerciale de la Cour de Cassation du 23 janvier 2019 étant exclusivement fondée sur le caractère d’ordre public des dispositions de l’article L134-12 du Code de Commerce, toute référence à la reconnaissance de la qualité d’agent commercial, avant ou à l’issue de la période d’essai, aurait normalement dû être abandonnée pour trancher les litiges.
Mais tel n’a pas été le cas de toutes les juridictions du fond puisque, par un intéressant arrêt en date du 30 avril 2020 (n° 17/020961) la Cour d’appel d’Orléans a décidé d’appliquer les deux critères en estimant que l’agent commercial avait bien droit à l’indemnité légale de cessation de mandat au motif que : « les dispositions susvisées des articles L134-12 et L134-13 du Code de Commerce sont d’ordre public et prévoient expressément, pour l’agent, en cas de rupture du contrat d’agent commercial, un droit à indemnité compensatrice réparant le préjudice subi, hormis dans les hypothèses qu’elles énumèrent, parmi lesquelles ne figurent pas celles dans laquelle la rupture du contrat intervient pendant la période d’essai stipulée au contrat et il n’est pas possible d’ajouter une clause de déchéance ou de privation de la réparation non-expressément prévue par les dispositions susvisées ».
Même si à elle seule cette motivation était suffisante, la Cour d’Orléans a néanmoins considéré en appliquant la jurisprudence ancienne, que « …le contrat liant les parties a pris effet à compter du 15 janvier 2011 conformément à son article 6 et la relation contractuelle entre l’agent commercial et son mandant existe donc dès cette date, indépendamment de la période d’essai.
Heureusement, cette décision reste isolée car il suffirait de stipuler au contrat que la qualité d’agent commercial est retardée jusqu’à l’expiration de la période d’essai, pour priver de nouveaux l’agent commercial de toute indemnisation, ce qui est contraire à la volonté exprimée par la CJUE et la Cour de Cassation dans les deux arrêts précités.