L’arrêt de la Cour de Cassation du 14 novembre 2024 (n° 23-15146) montre l’importance qu’elle attache à l’obligation faite au mandant de mettre en mesure l’agent commercial d’exécuter son mandat.
Cette notion, issue de l’article 4 de la loi du 25 juin 1991 (devenue L134-4 du Code de Commerce), et qui est une manifestation essentielle du caractère d’intérêt commun du mandat de l’agent, a dû faire progressivement sa place auprès des juridictions de fond qui se sont souvent méprises sur sa teneur et sa portée. En revanche, la Cour de Cassation en a immédiatement mesuré l’importance en caractérisant, depuis plus de 30 ans, toutes les hypothèses où l’exécution défectueuse de ses obligations par le mandant ne rend plus possible la poursuite du mandat de l’agent commercial, ce qui autorise ce dernier, en application de l’article L134-13-2 du Code de Commerce à prendre l’initiative de la fin des relations contractuelles. Pour un point complet sur les événements caractérisant les manquements du mandant aux dispositions de l’article L134-4 du Code de Commerce, le lecteur pourra se reporter aux pages 74 à 93 du livre « Agents commerciaux : rupture et indemnisation » Ed. 2025/2026 Paul JOLY Juris-Agence.
Ces principes sont désormais tellement évidents que la Cour de Cassation, dans son arrêt du 14 novembre 2024, ne vise même plus les dispositions de l’article L134-4 précité pour censurer les juges d’appel s’étant fourvoyés sur la portée de l’intérêt commun. Dans cette espèce, le mandant avait retiré à l’agent commercial les produits qu’il devait contractuellement commercialiser en raison de leur non-certification à des normes obligatoires pour leur mise sur le marché. La Cour d’appel de Montpellier avait estimé que cette circonstance ne découlait pas d’une faute commise par le mandant et avait, en conséquence, considéré que la rupture des relations contractuelles ne lui était pas imputable et avait donc débouté l’agent commercial de ses demandes d’indemnisation. Inévitablement, cette décision est cassée car l’imputabilité au mandant de la cessation des relations contractuelles découlant de l’inexécution de l’article L134-4 du Code de Commerce n’est pas conditionnée par une faute grave de ce dernier. En effet, cette exigence est totalement absente du texte de l’article L134-13 du même code qui énumère, limitativement, les circonstances exonérant le mandant du versement de l’indemnité de cessation de mandat prévue par l’article L134-12.
C’est donc sous le seul visa de ces deux dispositions que l’arrêt est censuré :
« Il résulte de ces textes que, lorsque le mandant cesse de fournir à l’agent commercial les marchandises constituant l’objet du contrat, la cessation du contrat d’agence commerciale découle de circonstances imputables au mandant.
Il s’en déduit que si l’agent commercial prend l’initiative, pour ce motif, de cesser ses relations avec le mandant, il a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi prévu par le premier de ces textes… »