Sous l’empire du décret du 23 décembre 1958 qui portait statut des agents commerciaux avant la réforme opérée par la loi du 25 juin 1991, l’établissement par écrit du contrat d’agent commercial revêtait une importance capitale. A l’époque, la Cour de Cassation faisait de l’existence d’un contrat écrit une condition de forme pour appliquer les dispositions protectrices du décret, en procédant à une lecture particulièrement rigoureuse de l’article 1er du décret du 23 décembre 1958.
La loi du 25 juin 1991 relative aux rapports entre les agents commerciaux et leurs mandants, en ce qu’elle ne subordonnait plus son application à une telle condition de forme, a mis fin à cette jurisprudence fort critiquée, de sorte que la revendication du statut d’agent commercial n’est plus soumise à l’exigence d’un contrat écrit.
Néanmoins, en pratique, l’existence d’un contrat écrit reste une précaution élémentaire afin, en cas de litige, de démontrer la teneur des obligations souscrites par l’agent commercial et son mandant.
La loi du 25 juin 1991, désormais intégrée dans l’article L134 du Code de Commerce, contient, en cas d’absence d’écrit, une organisation minimale des rapports contractuels, tout en laissant une grande liberté aux parties s’agissant des éléments clés du contrat (territoire, taux de commissions, échéance, etc…).
L’élaboration et l’analyse du contrat sont donc gouvernés par une rédaction minutieuse de ses éléments essentiels (I), par le contrôle de la validité des clauses au regard de l’ordre public (II) et par la prohibition des clauses pénalisant excessivement l’agent commercial (III).
I – LES ELEMENTS ESSENTIELS DU CONTRAT :
– Le mandat de l’agent commercial consiste avant tout en la vente des produits ou prestations de services du mandant à la clientèle. Il est donc indispensable de préciser la nature exacte des produits ou prestations de services dont la commercialisation est confiée à l’agent. On prendra soin notamment d’indiquer précisément, par exemple, la marque des produits, leur conditionnement, les appellations, en précisant si l’ensemble des gammes sont confiées à l’agent.
Malgré tout, cette détermination contractuelle des produits peut se trouver rapidement périmée lorsque le mandant renouvelle ses gammes en fonction des exigences du marché. Il est donc sage, afin d’assurer à l’agent la continuité de son contrat, de prévoir une clause obligeant le mandant à lui proposer des nouveaux produits que l’agent restera libre d’accepter. A défaut de stipulation d’une telle clause et si, à l’inverse, le contrat prévoit que le mandant se réserve le droit de confier ou non ses nouveaux produits à l’agent, il doit être souligné que la Cour de Cassation a considéré, dans un arrêt du 6 novembre 2012 (pourvoi n° 11-25481) qu’elle ne le dispensait pas de fournir à l’agent des produits de substitution si les autres productions qui lui étaient confiées étaient abandonnées.
– La détermination de l’univers contractuel, c’est-à-dire la clientèle et le territoire confié à l’agent, est également fondamentale puisqu’elle conditionne le potentiel économique du mandat.
Sa délimitation est gouvernée par les objectifs commerciaux du mandant et les possibilités de l’agent. Ainsi, cet univers peut-être très général et comporter par exemple tous les clients potentiels d’une zone géographique, tout comme il peut se limiter à une catégorie d’opérateurs économiques restrictivement énumérées (par exemple la GMS, les CHR, la GSB, les solderies, etc…), sans aucun secteur géographique. Si les parties disposent d’une absolue liberté contractuelle, elles doivent néanmoins évaluer leurs objectifs avec réalisme, sans quoi elles risquent de s’exposer à des frictions incompatibles avec la pérennité du contrat : un secteur géographique trop étendu que l’agent ne pourra couvrir en totalité incitera le mandant à exiger sa réduction. A l’inverse, un secteur trop petit entraînera rapidement un plafonnement des ressources de l’agent.
Les parties devront également veiller à envisager l’exclusivité du secteur confié à l’agent, ce qui a pour effet de lui réserver le monopole de la représentation du mandant sur le territoire qui lui est confié et interdit au commettant de concurrencer l’action de son agent. L’exclusivité est facultative mais elle est le plus souvent accordée à l’agent car elle favorise l’efficacité de son travail sur le secteur en faisant de lui l’interlocuteur unique de la clientèle, ce qui participe à la fidélisation et à l’unification de l’offre du mandant dans cet univers contractuel.
– Les parties au contrat doivent également convenir de sa durée.
En pratique, il est d’usage de stipuler le contrat à durée indéterminée, c’est-à-dire sans aucun terme, la convention pouvant être rompue à tout moment, moyennant le respect du préavis prévu par l’article L134-11 du Code de Commerce.
A l’inverse, la stipulation d’une durée déterminée semble incompatible avec la pérennité de la relation contractuelle alors même que la notion de permanence est une des caractéristiques fondamentales du statut. Même si la durée déterminée de la convention est sans influence sur le droit à indemnité de l’agent commercial en cas de non renouvellement, elle précariserait inutilement la situation de l’agent dont la reconduction du mandat serait soumise exclusivement au bon vouloir du mandant.
– Les modalités de rémunération doivent être rédigées avec le plus grand soin.
Il faut d’abord convenir des opérations qui ouvriront droit à commission au profit de l’agent commercial. Il est à noter qu’en application de l’article L134-6 du Code de Commerce, lorsque l’agent commercial est chargé d’un secteur géographique et/ou d’une clientèle, il a droit à commission sur toutes les opérations réalisées avec les personnes appartenant à cet univers contractuel, qu’il soit intervenu ou pas dans la réalisation des ventes (CJCE 12 décembre 1996, Dalloz 1997 Jur. page 438 ; Cass. Com. 8 avril 2008, n° 06-21526 ; Cass. Com. 4 décembre 2007, n° 06-12858).
Mais cette disposition n’est pas d’ordre public et il est possible d’y déroger en restreignant le droit à commission sur les affaires réalisées personnellement par l’agent commercial.
Si dans la très grande majorité des cas l’agent commercial est rémunéré par une commission dont le montant est proportionnel à celui de la vente qu’il a réalisée, il reste parfaitement loisible aux parties de l’accorder sur un mode différent de rémunération. C’est ainsi que l’agent commercial peut être rémunéré par un fixe ou un forfait (Cass. Com. 8 octobre 2013, n° 12-26544 ; 29 septembre 2009, n° 08-18361 ; 2 novembre 2011, n° 09-69943). De même, plutôt que de convenir d’une commission proportionnelle au montant de la vente, la rémunération de l’agent commercial peut être constituée de la marge bénéficiaire correspondant à la différence entre le tarif indiqué par le mandant et le prix final de vente aux clients (Cass. Com. 9 mai 1990, n° 88-17243 ; CA VERSAILLES 1er octobre 2009, RG n° 06/04485 Légifrance ; CA AGEN 6 mai 2008 RG 07-1145 Légifrance ; CA VERSAILLES 29 juin 1997, RG n° 1995-1297 Légifrance).
Bien entendu, il est indispensable de préciser le montant du taux de commission. La rémunération doit être suffisante et son montant dépend des usages dans la branche d’activité concernée (5 % dans l’alimentaire, 10 % dans la maroquinerie, 15 % dans le prêt-à-porter, etc…).
Les parties doivent s’accorder également sur l’évènement qui constituera le fait générateur de la commission et qui donnera donc naissance au droit à rémunération : cela peut être l’enregistrement de la commande, la livraison par le mandant, l’émission de la facture ou le moment du paiement par le client.
Enfin, les parties prendront soin de préciser clairement l’échéance de paiement des commissions. Faute d’y procéder, l’article L134-9 du Code de Commerce dispose que la commission est payable au plus tard le dernier jour du mois qui suit le trimestre au cours duquel elle a été acquise. En pratique, les commissions sont généralement payables mensuellement et plus rarement trimestriellement, sur la base des encaissements reçus par le mandant le mois ou le trimestre précédent.