L’arrêt de la Cour d’appel de Dijon du 5 septembre 2024 (n° 21/01471) constitue un bon exemple des recherches opérées par les juges pour s’assurer de la volonté non-équivoque de l’agent commercial de démissionner de ses fonctions et de renoncer par conséquent au paiement de l’indemnité de cessation de mandat.
En effet, lorsque l’agent renonce, pour des raisons personnelles, à l’un de ses mandats, il est privé de l’indemnité de cessation de mandat en application de l’article L134-13-2 du Code de Commerce. Il s’agit par conséquent d’un acte extrêmement lourd de conséquence et l’agent doit donc être particulièrement vigilent quant à la rédaction de l’écrit qu’il adressera au mandant pour mettre un terme à la collaboration.
Si sa volonté de rompre s’explique en réalité soit par son âge, la maladie ou encore des raisons imputables au mandant, qui sont toutes des circonstances ouvrant droit à l’indemnité de cessation de mandat, il ne faudrait surtout pas qu’une rédaction maladroite de sa correspondance s’analyse en une renonciation à la valeur patrimoniale de la carte. Sur ce point, les juges se livrent à une lecture attentive de ou des écrits de l’agent en s’efforçant de déterminer quelle a été son intention. N’est donc pas constitutive d’une brusque décision de rupture avec renonciation à l’indemnisation, la lettre de l’agent faisant état de son souhait de séparation amiable, soit par vente de la carte, soit par cessation amiable du mandat (CA Nîmes 19 janvier 2012 Tisun Gmbh/Wallard, arrêt n° 33). En revanche, la lettre de l’agent annonçant son évincement d’un chantier et sa décision de cesser son mandat moyennant la signature d’un avenant « valant solde de tout compte… » est assimilable à une lettre de renonciation au mandat ainsi qu’à sa valeur (CA aux 27 octobre 2010 Ferreira Marques/Cuoco, arrêt n° 2010/408).
Dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt du 5 septembre 2024, l’agent commercial avait bien imprudemment envoyé une première lettre au mandant lui annonçant son intention de cesser définitivement son activité en respectant le préavis de trois mois prévu par l’article L134-11 du Code de Commerce. Cette correspondance, à elle seule, aurait très bien pu s’analyser en une démission pure et simple, privative d’indemnité, comme la société mandante n’avait pas manqué de le soutenir. Et heureusement, cinq jours après, l’agent lui avait envoyé une nouvelle lettre demandant expressément le règlement de l’indemnité de cessation de mandat, ce qui levait toute ambigüité quant à ses réelles intentions. C’est ce qu’estime la Cour, en admettant que le contenu de la première correspondance de l’agent pouvait être valablement complété par celui de la seconde, dans un attendu qui ne souffre aucune critique : « Il sera d’abord rappelé que M. [W], dans son courrier du 30 septembre 2018 se référant à son départ à la retraite, a fait part de son intention de cesser définitivement son activité d’agent commercial à compter du 31 décembre 2018, après avoir rappelé son âge (68 ans). Il a ultérieurement indiqué, dans une correspondance du 5 octobre 2018, qu’il entendait faire valoir ses droits à indemnité compensatrice en faisant état de ce qu’il considérait être des manquements contractuels de la société Variation à son égard, mais également de son âge et de son état de santé ne lui permettant plus de poursuivre son activité, laquelle impliquait un investissement quotidien et un travail de prospection en voiture sur 4 départements… ».
En conséquence, la Cour condamne la société mandante à verser à son ancien agent commercial l’indemnité légale de cessation de mandat.



